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Quel était l’idiot qui mettait le bonheur de ce monde dans le partage de la richesse ? Ces songe-creux de révolutionnaires pouvaient bien démolir la société et en rebâtir une autre, ils n’ajouteraient pas une joie à l’humanité, ils ne lui retireraient pas une peine, en coupant à chacun sa tartine. Même ils élargiraient le malheur de la terre, ils feraient un jour hurler jusqu’aux chiens de désespoir, lorsqu’ils les auraient sortis de la tranquille satisfaction des instincts pour les hausser à la souffrance inassouvie des passions. Non, le seul bien était de ne pas être, et, si l’on était, d’être l’arbre, d’être la pierre, moins encore, le grain de sable qui ne peut saigner sous le talon des passants.

Un troupeau de misérables, soulevé par la faim et par l’instinct, attiré par un rêve grossier, mû par des forces fatales et allant, avec des bouillonnements et des remous, se briser contre une force supérieure : voilà le drame. Les hommes apparaissant, semblables à des flots, sur une mer de ténèbres et d’inconscience : voilà la vision philosophique, très simple, dans laquelle ce drame se résout. M. Zola laisse aux psychologues le soin d’écrire la monographie de chacun de ces flots, d’en faire un centre et comme un microcosme. Il n’a que l’imagination des vastes ensembles matériels et des infinis détails extérieurs. Mais je me demande si personne l’a jamais eue à ce degré.