Page:Lemaître - Les Contemporains, sér1, 1898.djvu/283

Cette page n’a pas encore été corrigée

mari torturé par une Messaline qui ne se refuse qu’à lui ; — Négrel, le petit ingénieur brun, sceptique, brave et amant de sa tante ; — Deneulin, l’industriel énergique et aventureux ; — les Grégoire, actionnaires gras et bons, et Cécile et Jeanne et Lucie et Levaque et Bouteloup et le père Quandieu et le petit soldat Jules ; — et le vieux cheval Bataille, « gras, luisant, l’air bonhomme », et le jeune cheval Trompette, hanté au fond de la mine d’une vision de prés et de soleil (car M. Zola aime les bêtes et leur donne pour le moins autant d’âme qu’aux hommes : on se rappelle le chien Mathieu et la chatte Minouche dans la Joie de vivre) ; — à part de tout ce monde, le Russe Souvarine, blond avec des traits de fille, toujours silencieux, dédaigneux et doux : toutes figures fortement marquées d’un « signe particulier » dont la mention revient régulièrement, et qui, je ne sais comment et presque par la seule vertu de ce signe répété, se dressent et vivent.

Leur vie est surtout extérieure ; mais justement le drame que M. Zola a conçu n’exigeait pas plus de psychologie qu’il n’en peut donner. L’âme d’une pareille masse, ce sont des instincts fort simples. Les êtres inférieurs qui s’agitent au premier plan sont mus, comme ils devaient l’être, par des nécessités physiques et par des idées fort grossières qui se font images et qui, à la longue, les fascinent et les mettent en branle. «… Tout le malheur disparaissait, comme balayé par un grand coup de soleil ; et, sous un