pales figures, mais, au second plan, les moindres têtes s’animent sous les gros doigts de ce pétrisseur de bêtes. Elles vivent à peu de frais sans doute, le plus souvent en vertu d’un signe grossièrement et énergiquement particulier ; mais elles vivent, chacune à part et toutes ensemble. Car il sait encore animer les groupes, mettre les masses en mouvement. Il y a dans presque tous ses romans, autour des protagonistes, une quantité de personnages secondaires, un vulgum pecus qui souvent marche en bande, qui fait le fond de la scène et qui s’en détache et prend la parole par intervalles, à la façon du chœur antique. C’est, dans la Faute de l’abbé Mouret, le chœur des horribles paysans ; dans l’Assommoir, le chœur des amis et des parents de Coupeau ; dans Pot-Bouille, le chœur des domestiques ; dans le Bonheur des dames, le chœur des employés et celui des petits commerçants ; dans la Joie de vivre, le chœur des pêcheurs et celui des mendiants. Par eux les figures du premier plan se trouvent mêlées à une large portion d’humanité ; et, comme cette humanité, ainsi qu’on a vu, est mêlée elle-même à la vie des choses, il se dégage de ces vastes ensembles une impression de vie presque uniquement bestiale et matérielle, mais grouillante, profonde, vaste, illimitée.
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