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qui ne soit hyperbolique dans l’ignominie ou dans la platitude ; leur groupement même est un fait exceptionnel ; les moindres détails ont été visiblement choisis sous l’empire d’une idée unique et tenace, qui est d’avilir la créature humaine, d’enlaidir encore la laideur des vices inconscients et bas. Si bien qu’au bout de quelque temps la fausseté de certains détails ne choque plus, n’apparaît même plus dans l’exagération générale. On a sous les yeux le tableau dru, cru, plus grand que nature, mais harmonieux, monotone même, de la crasse, de la luxure et de la bêtise bourgeoise : tableau plus qu’idéal, sibyllin par la violence continue, presque apocalyptique. C’est la bourgeoisie qui est ici « la Bête ». La maison de la rue de Choiseul devient un « temple » où d’infâmes mystères s’accomplissent dans l’ombre. M. Gourd, le concierge, en est « le bedeau ». L’abbé Mauduit, triste et poli, est « le maître des cérémonies », ayant pour fonction de « couvrir du manteau de la religion les plaies de ce monde décomposé » et de « régler le bel ordre des sottises et des vices ». À un moment — caprice d’une imagination grossière et mystique, — l’image du Christ saignant surgit sur ce cloaque. L’immeuble Vabre devient on ne sait quelle vision énorme et symbolique. L’auteur finit par prêter à ses personnages son œil grossissant. Le propriétaire a loué une mansarde à une fille enceinte : le ventre de cette femme obsède M. Gourd. Ce ventre « lui semble jeter son ombre sur la propreté froide de la cour…