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faux, lui crie-t-on, et c’est malpropre par-dessus le marché. » Je voudrais montrer ingénument que, si les peintures de M. Zola sont outrées et systématiques, c’est par là qu’elles sont imposantes, et que, si elles sont souvent horribles, elles le sont peut-être avec quelque force, quelque grandeur et quelque poésie.

M. Zola n’est point un critique et n’est point un romancier « naturaliste » au sens où il l’entend. Mais M. Zola est un poète épique et un poète pessimiste. Et cela est surtout sensible dans ses derniers romans.

J’entends par poète un écrivain qui, en vertu d’une idée ou en vue d’un idéal, transforme notablement la réalité, et, ainsi modifiée, la fait vivre. À ce compte, beaucoup de romanciers et d’auteurs dramatiques sont donc des poètes ; mais ce qui est intéressant, c’est que M. Zola s’en défend et qu’il l’est pourtant plus que personne.

Si l’on compare M. Daudet avec M. Zola, on verra que c’est M. Daudet qui est le romancier naturaliste, non M. Zola ; que c’est l’auteur du Nabab qui part de l’observation de la réalité et qui est comme possédé par elle, tandis que l’auteur de l’Assommoir ne la consulte que lorsque son siège est fait, et sommairement et avec des idées préconçues. L’un saisit des personnages réels, et presque toujours singuliers, puis cherche une action qui les relie tous entre eux et qui soit en même temps le développement naturel du caractère