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fusion d’images éclatantes des Contemplations ; mais l’étrangeté et la perfection plastique de la Tentation, voilà ce dont Hugo et Flaubert étaient seuls capables ! Il eût mieux valu qu’ils y joignissent le bon goût et le bon sens ; mais, après tout, je n’attache pas un si haut prix à ce que je puis posséder ou acquérir tout comme un autre et, où il ne manque que ce que vous et moi aurions pu apporter, je ne suis pas tenté de réclamer si fort. Car ces qualités communes peuvent contribuer à la perfection d’une œuvre ; mais, toutes seules, elles feraient pauvre figure, et, au contraire, une originalité puissante vaut encore beaucoup et emporte ou séduit, même sans elles. »

J’allais sans doute trop loin. Il y a des règles nécessaires dont la violation empêche une œuvre de valoir tout son prix (encore l’interprétation de ces règles peut-elle être plus ou moins rigoureuse). Mais j’avais peut-être raison d’admirer quand même les Contemplations et la Tentation et de croire que la vraie beauté d’un livre est quelque chose d’intime et de profond qui ne saurait être atteint par des manquements même aux règles de la rhétorique et des convenances ; que l’écrivain vaut avant tout par une façon de voir, de sentir, d’écrire, qui soit bien à lui et qui le place au-dessus du commun — je ne dis pas n’importe comment ni par quelque singularité facile et apprise.

Mais il faut aimer pour bien comprendre et jusqu’au fond. Or il y a plusieurs écrivains de notre temps,