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différentes ; mais ces effets sont peut-être équivalents. Je ne parle point de l’impression dernière et totale que laissent les deux œuvres, de leur retentissement dans la conscience, dans l’imagination, dans l’intelligence : je paraîtrais trop prévenu. Qu’est-ce donc qui fait quand même, pour M. Brunetière, la supériorité d’Athalie ? Il reste que ce soit la plus haute qualité intellectuelle, morale et sociale des personnages, et la plus grande dignité de l’action, c’est-à-dire, en somme, quelque chose de tout à fait étranger à l’exécution et d’extérieur, si je puis dire, à ce qui est proprement l’œuvre d’art ; quelque chose qui n’augmente ni ne diminue le mérite et la puissance de l’artiste et qui ne suppose chez lui que certains goûts et certaines préférences.

J’ai été très frappé d’un mot de M. Brunetière sur Madame Bovary : « Tout conspire pour achever, je ne veux pas dire la beauté, mais la perfection de l’œuvre. » On ne saurait avouer plus clairement qu’on fait dépendre la beauté, non de l’art même, mais de la qualité de la matière où il s’applique, ou tout au moins que cette qualité de la matière, si elle ne constitue pas à elle seule la beauté, en est une condition absolue. Et je me défie d’une esthétique qui distingue si résolument la beauté de la perfection.

Mais ces caractères dont l’absence empêche M. Brunetière de reconnaître belle une œuvre moderne qu’il avoue parfaite, ne sont-ce point précisément ceux qui sont communs aux œuvres les plus admirées du