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Pourquoi ? — Plus belle ? Mais tout dépend de l’exécution[1]. — Plus consolante ? plus noble ? plus fortifiante ? Mais c’est d’art qu’il s’agit, et non de morale.

Outre cette psychologie du « milieu intérieur », M. Brunetière exige ce qu’il appelle « la vérité humaine ». C’est un lieu commun, qu’un personnage de théâtre ou de roman doit, pour être vivant, avoir quelque chose de particulier qui n’appartienne qu’à lui et à son temps, et quelque chose de général qui appartienne à tous ceux de la même espèce dans tous les temps. Or cette part du général, il semble qu’elle ne soit jamais assez grande pour M. Brunetière. Il la juge trop petite dans les Rois en exil : il n’y trouve pas la « vérité humaine » du fond, — l’homme, « l’homme vrai ». Et c’est pour cela qu’il met, au-dessus des Rois en exil, Gil Blas et Manon Lescaut où en effet le « particulier » tient une place assez modeste et effacée.

Il est évident qu’il n’y a pas grand’chose à lui répondre et que c’est une affaire d’appréciation personnelle. Pourtant, s’il est vrai que le particulier, le spécial, l’individuel abondent dans les Rois en exil (et c’est pour cela que j’aime tant ce livre), le général en est-il donc absent ? Il me paraît bien que, parmi le très grand nombre de leurs traits propres et accidentels, on trouverait aussi chez Frédérique, chez Chris-

  1. « Puisque l’invention n’est pas dans le fond, où donc est-elle ? Je réponds : Dans la forme, et dans la forme uniquement. » (Histoire et littérature, p. 47.)