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point son ironie si sèche : seulement ce serait trop long à montrer. Je mets encore ici tout au pire. Je suppose que l’écrivain « déteste les hommes, s’enfonce dans le mépris d’eux et de leurs actes » : cette misanthropie peut être un sentiment injuste ; il me paraît qu’elle est aussi un sentiment fort esthétique ; je ne vois point, en tout cas, en quoi elle va contre l’art. Est-il nécessaire d’avoir de la sympathie morale pour ce qu’on peint ? Il me semble bien que la sympathie artistique suffit, que le principal est de faire des peintures vivantes, et que c’est même le tout de l’art, le reste étant forcément autre chose : morale, religion, métaphysique.

C’est bien de faire cas de la psychologie ; mais M. Brunetière en fait un grand mystère. Par exemple, celle de Madame Bovary lui paraît bonne, mais de second ordre : pourquoi ? « Flaubert, qui débrouille si bien les effets successifs et accumulés du milieu extérieur sur la direction des appétits et des passions du personnage, ce qu’il ignore, ou ce qu’il ne comprend pas, ou ce qu’il n’admet pas, c’est l’existence du milieu intérieur. » Et nous voyons plus loin qu’aux yeux de M. Brunetière, le nec plus ultra de la psychologie, c’est, pour dire la chose en gros, la peinture de la lutte entre le devoir et la passion, entendez ce qu’on trouve presque uniquement chez les classiques.

Là encore je résiste. D’abord, quand je lis dans Flaubert des passages comme celui-ci : « Cet esprit, positif au milieu de ses enthousiasmes, qui avait aimé