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roman, à condition toutefois que dans la profondeur de leur abaissement on fasse luire un rayon d’idéal, et qu’au lieu de les enfermer dans le cercle étroit où les a jetés, qui la naissance et qui le vice, nous les en tirions au contraire pour les faire mouvoir dans cet ordre de sentiments qui dérident tous les visages, qui mouillent tous les yeux et font battre les coeurs.

Plus tard, et dans un sentiment moins banal, il se contentera, il est vrai, de « quoi que ce soit de plus fort ou de plus fin que le vulgaire », et la « finesse des sens » d’Emma Bovary lui sera un suffisant « rayon d’idéal ». Mais encore lui en faut-il. Il n’admet pas qu’on puisse s’intéresser à des personnages qui ne sont que « plats ou ignobles », et c’est parce que tous les personnages de l’Éducation sentimentale sont ignobles ou plats, c’est « parce que l’auteur a commencé par éliminer de la réalité tout ce qu’elle peut contenir de généreux et de franc, que ce roman est illisible ».

Eh bien, je ne me sens pas convaincu. Je mets tout au pire. Je ne me demande point s’il n’y a pas dans l’Éducation sentimentale des personnages très suffisamment sympathiques ; Mme Arnoux, Louise Roque, Dussardier, même Pellerin et quelques autres tels qu’un peu de mésestime et d’ironie n’exclut point une sorte d’affection pour eux. Et je ne cherche pas non plus si les personnages de Gil Blas, que M. Brunetière met pourtant très haut, sont d’une qualité morale supérieure à ceux de l’Éducation sentimentale. Je suppose un roman tel que M. Zola lui-même n’en a