Page:Lemaître - Les Contemporains, sér1, 1898.djvu/238

Cette page n’a pas encore été corrigée

miner exactement la qualité du plaisir qu’il goûte ou que les autres doivent goûter. Madame Bovary est un chef-d’œuvre, et il l’a dit maintes fois : mais il se croirait perdu d’honneur s’il n’ajoutait presque aussitôt : Oui, mais un chef-d’œuvre « d’ordre inférieur ». Une fois, il se demande avec angoisse : « Est-ce même une œuvre d’art ? Est-ce surtout du roman ? Je n’oserais en répondre. » De même, il reconnaît la supériorité de Dickens, mais dans un genre « évidemment inférieur » (ce genre est le roman réaliste sentimental). De même aussi, après avoir fort bien défini l’« impressionnisme » des Rois en exil, il se dit qu’après tout ce n’est là qu’une « forme inférieure de l’art » et met tranquillement le chef-d’œuvre d’Alphonse Daudet au-dessous de Manon Lescaut et de Gil Blas, qui pourtant ne sont encore que des « œuvres secondaires ». Il semble bien que, pour lui, ce qui fait la valeur d’une œuvre, ce n’est pas seulement le talent de l’écrivain, mais le genre aussi auquel elle appartient, et les genres supérieurs, c’est, je suppose, l’oraison funèbre, la tragédie, le roman idéaliste. Mais justement cette assurance à classer s’explique par les autres préjugés de M. Brunetière : ce sont eux qui nous diront d’après quels principes il classe.

Il croit à la nécessité de ce qu’il appelait dans son premier article « un rayon d’idéal ».

… Non pas certes que les plus humbles et les plus dédaignés d’entre nous n’aient le droit d’avoir aussi leur