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plaisirs, ses petites occupations de toute sorte. — Vous vous rappelez ce que dit Pascal des « preuves de Dieu métaphysiques » : ces démonstrations ne frappent que pendant l’instant qu’on les saisit ; une heure après, elles sont oubliées. Il peut donc fort bien y avoir contraste entre les idées et le caractère d’un homme, surtout s’il est très cultivé. « Le jugement, dit Montaigne, tient chez moi un siège magistral… Il laisse mes appétits aller leur train… Il fait son jeu à part. » Pourquoi ne ferait-il pas aussi son jeu à part chez le décevant écrivain des Dialogues philosophiques ? Essayons donc de voir par où et comment il peut être heureux.

D’abord son optimisme est un parti pris hautement affiché, à tout propos et même hors de propos et aux moments les plus imprévus. Il est heureux parce qu’il veut être heureux : ce qui est encore la meilleure façon qu’on ait trouvé de l’être. Il donne là un exemple que beaucoup de ses contemporains devraient suivre. À force de nous plaindre, nous deviendrons vraiment malheureux. Le meilleur remède contre la douleur est peut-être de la nier tant qu’on peut. Une sensibilité nous envahit, très humaine, très généreuse même, mais très dangereuse aussi. Il faut agir sans se lamenter, et aider le prochain sans le baigner de larmes. Je ne sais, mais peut-être le « pauvre peuple » est-il moins heureux encore depuis qu’on le plaint davantage. Sa misère était plus grande autrefois, et cependant je crois qu’il était