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un peu maladif de « rendre l’insaisissable », de « dire ce qui n’a pas été dit ». Et parfois, en effet, l’impression est ténue jusqu’à s’échapper et fuir entre les mots, comme une fumée entre des doigts qui ne peuvent la retenir, si souples et agiles qu’ils soient. Mais l’effort même en est charmant. « L’originalité en art me plaît, même erronée », dirons-nous avec Mme Daudet. Et c’est dans leurs livres aussi que les femmes peuvent être « aimables par leurs qualités, et par leurs défauts séduisantes ».

La petite fille qui, en sortant du Musée du Luxembourg, croyait découvrir un Paris nouveau, a gardé ses prunelles intelligentes et inventives. Ces notes, très variées, jetées au hasard des heures sur des feuilles volantes, ont presque toutes ceci de commun : qu’elles expriment des sentiments et des idées par des sensations et des images correspondantes — à la fois précises et imprévues — qui plaisent parce qu’elles sont vraies et qu’on ne les attendait pas. Ce sont des rapports, des harmonies secrètes, éloignées, entre les choses, ou entre nos pensées et les objets extérieurs ; parfois des comparaisons un peu cherchées, un peu fuyantes, et qui font rêver longtemps ; quelquefois tout simplement une fraîche métaphore piquée au bout d’une phrase flexible comme une fleur sur une tige pliante.

Je ne veux point donner d’exemples, car tout y passerait, tout : l’ouvrière malade qui « dans l’inaction du lit reprend des mains de femme, allongées,