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personnalité humaine à l’amour divin[1]. » On voit que, de l’aveu même de l’auteur, cela n’est point grec, cela même est antigrec.

On en peut bien dire autant de l’amour. « Vous y trouverez, dit Mme Juliette Lamber, un double courant, mystique et sensuel[2]. » Or les anciens Grecs n’ont guère connu, en amour, le « courant mystique ». Le romanesque et la rêverie dans la passion, la forme religieuse donnée au culte de la femme, l’absorption dévote dans sa contemplation, le pétrarquisme, il n’y a pas grand’chose de tel chez les Grecs et rien, je crois, de pareil à l’état de Tiburce devant Mélissandre :

J’ai réellement possédé le bonheur des immortels. J’ai vu l’amour se dépouiller, s’épurer, devenir religion, culte et prière. Pour la première fois j’ai éprouvé les délices de l’adoration intérieure… [3].

On n’imagine pas Sapho parlant ainsi au sortir des bras de Phaon.

Il serait facile, en continuant cette analyse, de constater, dans tous les sentiments des néo-Grecs de Mme Juliette Lamber, les mêmes déviations, le même affinement ou le même enrichissement. Par exemple, on sait l’ardent patriotisme de l’auteur de Grecque. Plus d’utopies humanitaires : assez longtemps nous

  1. Païenne, p. 147.
  2. Païenne, dédicace.
  3. Païenne, p. 83.