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agréa- et légères, qui nous occupent sans nous troubler, qui n’émeuvent pas trop fort et qui n’ennuient point, qui reposent et soulagent, si l’on veut, du travail de penser. Vivant dans la campagne, nous prenons plaisir aux images qu’elle nous offre d’une vie plus simple que la nôtre et qui glisse par degrés jusque dans la vie inconsciente : vie des animaux, vie des arbres et des fleurs, vie des eaux et des nuages. La sérénité de cette vie impersonnelle et, en un sens, divine se communique à nous par une sorte d’aimantation. Ou bien, au contraire, le déchaînement des forces naturelles plaît au « roseau pensant », soit par la raison qu’a dite Pascal, soit par la beauté qu’il découvre dans l’horreur de leur déploiement. Un peintre a d’autres motifs d’aimer la nature : il y cherche des combinaisons de couleurs et de lignes que l’art n’inventerait pas tout seul. Autre chose encore : nous saisissons des analogies entre notre vie et celle de la nature, et nous goûtons, en nous y appliquant, la joie calme de sentir notre existence se dérouler parallèlement à la sienne. Elle nous suggère d’innombrables images, métaphores et comparaisons ; elle nous fournit des symboles de mort et de résurrection, de purification et de seconde vie. Les mystères d’Éleusis n’étaient que la mise en scène et la célébration d’un de ces symboles. Puis l’infinité et l’éternité de la nature, l’immutabilité de ses lois dont nous pouvons sans cesse voir l’accomplissement autour de nous et dans les moindres objets, tout cela