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que chose. Puis, outre l’éducation reçue, on subit malgré soi, plus ou moins, l’esprit de quatre-vingts générations qui toutes ont eu ce pli de se tourmenter d’une autre vie et de placer leur idéal en dehors de la vie terrestre.

Il ne faut savoir que ce que l’on voit, sentir que ce que l’on ressent… Les seules leçons que reçut mon enfance furent celles qui devaient me garantir de toute notion religieuse[1].

Ma jeunesse, je la vivais en moi, par moi, sans être tenue de la vivre dans la jeunesse de cent races, dans les erreurs, les caducités de cent sociétés mortes de vieillesse[2].

Le moyen de rendre à notre être sa virginité native, de lui assurer l’intégrité de sa jeunesse, c’est de vivre dans la nature, de l’aimer, de la comprendre, de communier avec elle. Un des mérites les plus éminents de Mme Juliette Lamber, c’est sa passion des beaux paysages et sa puissance à les décrire. Ses tableaux ont de l’éclat et un pittoresque grandiose. Ce sont des paysages du Midi, chauds et lumineux ; et ils sont vivants, vraiment pleins de dieux, la nature y ayant des formes vaguement animales et respirantes : Mens agitat molem.

Les flancs ravagés du Luberon étaient des entrailles d’or. Les hauteurs de ses collines prennent les aspects

  1. Païenne, p. 15.
  2. Païenne, p. 20.