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d’un bout à l’autre les strophes ravissantes d’Une femme seule :

  Elle était pâle et brune, elle avait vingt-cinq ans ;
  Le sang veinait de bleu ses mains longues et fières ;
  Et, nerveux, les longs cils de ses chastes paupières
  Voilaient ses regards bruns de battements fréquents.

  Quand un petit enfant présentait à la ronde
  Son front à nos baisers, oh ! comme lentement,
  Mélancoliquement et douloureusement,
  Ses lèvres s’appuyaient sur cette tête blonde !

  Mais, aussitôt après ce trop cruel plaisir,
  Comme elle reprenait son travail au plus vite !
  Et sur ses traits alors quelle rougeur subite
  En songeant au regret qu’on avait pu saisir !…

  J’avais bien remarqué que son humble regard
  Tremblait d’être heurté par un regard qui brille,
  Qu’elle n’allait jamais près d’une jeune fille
  Et ne levait les yeux que devant un vieillard…


Oserai-je maintenant élever un doute ? Je ne sais si M. Coppée a toujours su se garder de l’écueil du genre qu’il pratique avec tant de dextérité. Justement parce qu’il est trop sûr de son art et de son habileté à tout sauver, par coquetterie, par défi, affectant d’aimer Paris surtout dans ses verrues et le petit monde surtout dans ses vulgarités, il lui est arrivé de « mettre en vers » (l’expression ne convient nulle part mieux) des sujets qui en vérité ne réclamaient point cet ornement et appelaient évidemment la prose. L’intérêt se réduit alors à voir comment il s’en tire,