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et qui, revenant à la maison, y trouve son enfant mort[1] ; l’adolescent qui, ses études faites, apprend de sa mère qu’il est fils naturel et qu’elle a des dettes, et, renonçant à ses rêves, se fait petit employé pour la nourrir[2] ; l’amitié du vieux prêtre plébéien et de la vieille demoiselle noble[3] ; la tristesse de la jeune femme séparée[4] ; les passions rentrées, les dévouements muets, les douleurs peu tragiques, ridicules même à la surface, qui ne sautent pas aux yeux et qu’il faut deviner.

Ce fut, à son moment, une chose assez neuve que cette épopée des Humbles, hardiment et habilement familière, beaucoup plus « réaliste » que les essais analogues de Sainte-Beuve et qui marquait dans la poésie un mouvement assez pareil à celui qui emportait le roman.

Sans doute Victor Hugo avait chanté les petits dans la Légende des siècles[5] ; mais, ne pouvant se passer de grandeur sensible, il nous avait montré des infortunes dramatiques, des douleurs désespérées, des sacrifices éclatants. La plupart des héros de M. Coppée passent dans la foule, les épaules serrées dans leurs habits étriqués, et n’ont pas même de beaux haillons qui les signalent : mais il nous dévoile, doucement et comme tendrement, la tristesse

  1. Les Humbles : la Nourrice.
  2. Ibid., Un fils.
  3. Ibid., En province.
  4. Ibid., Une femme seule.
  5. Pauvres gens, Guerre civile, Petit Paul, etc.