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qu’Olivier nous chante. Si le souvenir de sa duchesse et de son actrice le trouble si fort, c’est tout simplement qu’au fond il n’aime pas tant que cela sa petite provinciale et qu’il lui préfère, non précisément la duchesse et l’actrice, mais le genre d’amour qu’elles savent donner. Et il n’y a pas là de quoi vouloir mourir. Ou bien, si vraiment il souffre de ne pouvoir aimer purement, c’est qu’il aime déjà ainsi, et l’on conçoit peu que les ressouvenirs de ses bonnes fortunes l’en découragent si vite. Mais, à dire vrai, tout se passe dans sa tête : il n’aime ni ne souffre autant qu’il le dit, il est dupe d’une illusion de poète. Un homme comme Olivier ne peut plus aimer d’une certaine façon que littérairement et, s’il s’en aperçoit (ce qui n’est pas assez marqué dans le poème), le sentiment de son impuissance ne saurait être aussi horriblement douloureux qu’il nous est montré. Après cela, on souffre ce qu’on croit souffrir : l’illusion d’Olivier, partagée par M. Coppée, est d’une évidente sincérité et qui sauve le poème. Il est encore mieux sauvé par les parties de description familière et, si l’on peut contester sur le sujet, il faut avouer que le cadre est charmant. Le lieu commun romantique (si lieu commun il y a) est tout rajeuni par la mise en œuvre, par le décor et les accessoires du petit drame. Les tableaux parisiens ou provinciaux, le dimanche à Paris dans un quartier populaire, le retour du poète sur son enfance, le récit de son voyage, son arrivée au village natal, sa vie à la campagne dans