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une jeune fille et rêve bientôt d’amour honnête et pur et de mariage. La gracieuse page que celle-ci ! Je la donne un peu au hasard, entre bien d’autres, pour le plaisir, et pour que quelque chose du texte varie mon commentaire et rende le poète un instant présent au lecteur :

  Ce serait sur les bords de la Seine. Je vois
  Notre chalet, voilé par un bouquet de bois.
  Un hamac au jardin, un bateau sur le fleuve.
  Pas d’autre compagnon qu’un chien de Terre-Neuve,
  Qu’elle aimerait et dont je serais bien jaloux.
  Des faïences à fleurs pendraient après les clous,
  Puis beaucoup de chapeaux de paille et des ombrelles.
  Sous leur papier chinois les murs seraient si frêles
  Que, même en travaillant, à travers la cloison,
  Je l’entendrais toujours errer par la maison
  Et traîner dans l’étroit escalier sa pantoufle
  Les miroirs de ma chambre auraient senti son souffle
  Et souvent réfléchi son visage, charmés.
  Elle aurait effleuré tout de ses doigts aimés,
  Et ces bruits, ces reflets, ces parfums venant d’elle,
  Ne me permettraient pas d’être une heure infidèle.
  Enfin, quand, poursuivant un vers capricieux,
  Je serais là, pensif et la main sur les yeux,
  Elle viendrait, sachant pourtant que c’est un crime,
  Pour lire mon poème et me souffler ma rime,
  Derrière moi, sans bruit, sur la pointe des pieds.
  Moi qui ne veux pas voir mes secrets épiés,
  Je me retournerais avec un air farouche ;
  Mais son gentil baiser me fermerait la bouche,
  Et dans les bois voisins, etc.

Mais, un jour, pendant une promenade à cheval, Suzanne, voulant cueillir une fleur, dit à Olivier : « Tenez-moi ma cravache », et, une autre fois, essayant une parure : « Comment me trouvez-vous ? »