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Shakespeare, bien que complètement ignoré chez nous, et notre théâtre des trente premières années du XVIIe siècle.)

Rotrou a besoin de beaucoup de faits et d’événements. Il ne sait pas faire quelque chose de rien. Il ne peut tirer de la tragédie d’Euripide qu’un peu plus de deux actes. Alors il joint aux Phéniciennes toute l’Antigone de Sophocle (c’est-à-dire l’histoire de la résistance d’Antigone à Créon qui a défendu d’ensevelir Polynice). Et cela ne lui suffit pas encore. Il complique tant qu’il peut. Il emprunte à Stace cet épisode : après le duel des deux frères, la nuit, sur le rempart de Thèbes, Argis, veuve de Polynice, cherche son corps « une lanterne à la main » . Elle rencontre Antigone occupée à la même recherche. Les deux femmes se reconnaissent et s’embrassent. Et cela forme un très beau tableau. Rotrou imagine encore qu’Antigone, sa sœur Ismène repentante et Ménète, « gentilhomme de la reine Argis », se disputent devant Créon l’honneur dangereux d’avoir enfreint son arrêt. Et cette invention a, comme la première, l’inconvénient de diviser l’intérêt, qui, dans la seconde partie du drame, se devrait concentrer sur Antigone.

Au surplus, la pièce de Rotrou est d’une composition fort lâche. L’exposition est très confuse. Le lieu de la scène change, même dans l’intérieur des actes : nous sommes successivement dans la chambre de Jocaste, sous la tente de Polynice, sous les remparts, dans la chambre d’Antigone, sur les