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qui la suivent. J’étais fort jeune quand je la fis. Quelques vers que j’avais faits alors tombèrent par hasard entre les mains de quelques personnes d’esprit. Ils m’excitèrent à faire une tragédie et me proposèrent le sujet de la Thébaïde.

Ainsi, ce sujet, il ne l’a pas choisi. Il ne pourra pas le saisir et l’étreindre avec amour, y souffler toute son âme (comme il le fera, plus tard, pour Andromaque). La composition de sa première œuvre ne sera pour lui qu’un exercice, — passionné sans doute, mais un exercice.

Ce sujet terrible, s’il ne l’a pas choisi, le tendre jeune homme l’a accepté pourtant. Déjà, à Uzès, nous avons vu qu’il s’intéressait aux passions violentes et qui vont jusqu’au bout.

Mais ce sujet, comment le traitera-t-il ? Racine vit familièrement, depuis quelques années, avec Molière, si vrai, avec La Fontaine, si naturel, avec Furetière, l’ennemi du romanesque, avec Boileau, qui sera le théoricien de la nouvelle école et qui va écrire, l’année suivante, le Dialogue des héros de roman (1664). Racine traitera donc son sujet avec une raison étonnante (qui apparaît mieux si l’on songe que, vers ce temps-là, Pierre Corneille écrivait Œdipe, Sertorius et Sophonisbe, Thomas Corneille son Timocrate, et Quinault son Astrate, et si l’on y compare la Thébaïde du nouveau venu).

Racine, avant de faire sa pièce, a lu (outre les Sept devant Thèbes d’Eschyle, grande symphonie