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son état de servitude, et aussi des désordres de sa pauvre vie, qui n’est point belle, avec sa promiscuité de roulotte (même si l’on écarte certaines historiettes de la Fameuse Comédienne). Et, parmi ses dégoûts et ses humiliations et son surmenage et sa maladie et ses hontes, le supplice d’un amour non partagé et incurable.

D’une partie au moins de ces choses, Racine fut le témoin et sans doute, à certaines heures, le confident. Il ne trouvera pas de meilleur exemple d’une âme malheureuse, à la fois délicate et souillée, et en proie à une passion fatale. La Fontaine, lui, a dix-neuf ans de plus que Racine. Mais, à quarante ans passés, il continue d’être le plus ingénu des bohèmes. (Des bohèmes, il y en eut beaucoup, dans ce très varié et très amusant XVIIe siècle, mais La Fontaine est le plus surprenant.) À dix-neuf ans, il était entré au noviciat de l’Oratoire de Paris, où il avait passé dix-huit mois. (L’Église, qui alors pénétrait tout, rend les destinées et les âmes plus pittoresques.) À vingt-cinq ans, il avait épousé une fillette de quinze ans. Peu après, il avait oublié qu’il avait une femme et même un fils. C’était le bohème-né, celui qui ne s’applique pas à l’être. C’était le parasite sans y songer, et simplement parce que cela lui était commode. Et c’était le vrai rêveur, celui qui, lorsqu’il vient à écrire, n’a même pas de vanité littéraire. Charles Perrault, dans ses Hommes illustres, dit de lui :