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donnait des avis à la troupe, et enfin s’en mit et l’épousa. » (Tallemant confond la mère avec la fille.) « Il a fait des pièces où il y a de l’esprit. Ce n’est pas un merveilleux acteur, si ce n’est pour le ridicule. »

Représentez-vous, continue Molière dans le récit de Grimarest, la peine que nous avons. Incommodés ou non, il faut être prêts à marcher au premier ordre et à donner du plaisir quand nous sommes souvent accablés de chagrin, à souffrir la rusticité de la plupart des gens avec qui nous avons à vivre, et à capter les bonnes grâces d’un public qui est en droit de nous gourmander pour l’argent qu’il nous donne.

À ces humiliations quotidiennes, ajoutez sa santé qui est déplorable. Au moment où, après douze ans de province et d’obscurité, il arrive enfin à la réputation (à quarante ans), la maladie le prend et ne le lâche plus. Pendant les dix ans qui lui restent à vivre, il ne se nourrit que de lait. Ajoutez ses continuelles angoisses de domestique et d’amuseur du roi. À propos du Bourgeois gentilhomme joué à Chambord :

Jamais pièce n’a été plus malheureusement reçue que celle-là, écrit Grimarest. Le roi ne lui en dit pas un mot à son souper… Il se passa cinq jours avant que l’on représentât cette pièce pour la seconde fois ; et pendant ces cinq jours, Molière, tout mortifié, se tint caché dans sa chambre.

Ajoutez enfin, dans cette âme noble et orgueilleuse qui concevra le Misanthrope, la conscience de