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seize ans, à dix-sept ans, en lisant Plutarque, — toutes les Vies des hommes illustres, et toutes les Œuvres morales, — il se demandait : « Ne pourrais-je donc adorer ces Grecs, ne pourrais-je même faire des tragédies comme eux sans être pour cela un mauvais chrétien ? » Et non seulement il extrayait de Plutarque, en abondance, des lieux communs, des préceptes et des maximes, toute une morale admirable, et— quoique purement humaine et non appuyée sur un dogme— assez rapprochée par endroits de la morale du christianisme ; mais encore, avec une singulière subtilité, il notait dans Plutarque toutes les phrases qui paraissaient se rencontrer (en les sollicitant un peu) avec le dogme chrétien, et particulièrement avec cette doctrine de la grâce dont ses bons maîtres étaient obsédés. Et, dans les marges des livres, en regard de ces précieuses phrases païennes, il écrivait : « Grâce… Libre arbitre… Cela est semi-pélagien… Providence… Humilité… Honorer tous les saints… Crainte de Dieu… Amour de Dieu… Attrition… Confession… Pour les catéchismes… Dieu auteur des belles actions… Pénitence continuelle… Ingrat envers Dieu… Péché originel… Martyre… etc. »

Il nous est resté une cinquantaine de ces ingénieux rapprochements. Je vous en citerai quelques-uns.

Dans la Consolation à Apollonius, Racine a mis le mot « Grâce » en marge d’une phrase qui