Page:Lemaître - Jean Racine, 1908.djvu/64

Cette page n’a pas encore été corrigée

pédant et renchéri. Et pourtant lui-même, un peu plus loin, rapporte avec un plaisir visible les détails les plus « bas » de l’aventure du Cyclope, et, à propos d’Ulysse chez Circé, emploie de préférence et répète à satiété le mot « cochon » quand il pourrait dire « pourceau » .

Oui, cette simplicité, ce réalisme d’Homère l’enchantent. À propos de ces mots d’Ulysse : « Permettez-moi de souper à mon aise, tout affligé que je suis, car rien n’est plus impudent qu’un ventre affamé. »

Notre langue, dit Racine, ne souffrirait pas, dans un poème épique, cette façon de parler, qui semble n’être propre qu’au burlesque : elle est pourtant fort ordinaire dans Homère. En effet, nous voyons que, dans nos poèmes et même dans les romans, on ne parle non plus de manger que si les héros étaient des dieux qui ne fussent pas assujettis à la nourriture : au lieu qu’Homère fait fort bien manger les siens à chaque occasion, et les garnit toujours de vivres lorsqu’ils sont en voyage.

Enfin, à propos des compagnons d’Ulysse retrouvant leur maître :

Homère décrit la joie qu’ils eurent pour lors, et la compare à la joie que de jeunes veaux ont de revoir leur mère qui vient de paître. Cette comparaison est fort délicatement exprimée, car ces mots de veaux et de vaches ne sont point choquants dans le grec comme ils le sont dans notre langue, qui ne veut presque rien souffrir, et qui ne souffrirait pas qu’on fît des éloges de vachers, comme Théocrite, ni qu’on parlât du porcher d’Ulysse comme, d’un