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Dialogues des morts de Fénelon un passage bien curieux. C’est dans le dialogue de Léger et Ebroïn : « N’admirez-vous pas, dit Ebroïn, ces ruisseaux qui tombent des montagnes, ces rochers escarpés et en partie couverts de mousse, ces vieux arbres qui paraissent aussi anciens que la terre où ils sont plantés ? La nature a ici je ne sais quoi de brut et d’affreux qui plaît et qui fait rêver agréablement. » )

L’exactitude familière des détails ravit le jeune Racine :

Calypso donne à Ulysse un vilebrequin et des clous, tant Homère est exact à décrire les moindres particularités, ce qui a bonne grâce dans le grec, au lieu que le latin est plus réservé et ne s’amuse pas à de si petites choses. Il en va de même de notre langue, car elle fuit extrêmement de s’abaisser aux particularités, parce que les oreilles sont délicates et ne peuvent souffrir qu’on nomme des choses basses dans un discours sérieux, comme une cognée, une scie et un vilebrequin. L’italien, au contraire, ressemble au grec, et exprime tout, comme on peut voir dans l’Arioste qui est en son genre un caractère tel que celui d’Homère.

Mais pourquoi ce qui a « bonne grâce » dans les vers grecs ou italiens n’en aurait-il pas dans les vers français ? N’est-ce pas affaire aux poètes de chez nous s’ils le voulaient ? Racine ne songe pas à se le demander ; il accepte, pour la poésie, les règles de noblesse conventionnelle posées avant lui par un idéalisme intéressant, mais un peu