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déjà que trop sec, et dès le même jour on le porte à l’aire, où on le bat aussitôt. Ainsi le blé est aussitôt coupé, lié et battu. Vous verriez un tas de moissonneurs, rôtis du soleil, qui travaillent comme des démons, et quand ils sont hors d’haleine, ils se jettent à terre au soleil même, dorment un miserere et se relèvent aussitôt. Pour moi, je ne vois cela que de ma fenêtre, car je ne pourrais pas être un moment dehors sans mourir : l’air est à peu près aussi chaud qu’un four allumé, et cette chaleur continue autant la nuit que le jour ; enfin il faudrait se résoudre à fondre comme du beurre, n’était un petit vent frais qui a la charité de souffler de temps en temps ; et, pour m’achever, je suis tout le jour étourdi d’une infinité de cigales qui ne font que chanter de tous côtés, mais d’un chant le plus perçant et le plus importun du monde. Si j’avais autant d’autorité sur elles qu’en avait le bon saint François, je ne leur dirais pas : « Chantez, ma sœur la cigale ! … » etc.

Dame ! ça n’est pas : « Midi roi des étés » . C’est très simple, mais c’est très net, très précis, très vif. Et, tout de même, la vision de moisson et la sensation d’été y sont bien.

Dans une autre lettre à Vitart (17 janvier 1662), il parle de la douceur de l’hiver dans ce pays, et la décrit en des vers faciles, dont les premiers ne sont qu’agréables, mais dont les derniers sont charmants :

Enfin, lorsque la nuit a déployé ses voiles, La lune au visage changeant Paraît sur un trône d’argent, Tenant cercle avec les étoiles : Le ciel est toujours clair tant que dure son cours Et nous avons des nuits plus belles que vos jours…