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adressait à son cousin Vitart et à mademoiselle Vitart, à sa sœur Marie Racine, à son ami La Fontaine, à son ami l’abbé Le Vasseur.

Ce sont des lettres un peu apprêtées, des lettres soignées, avec pas mal de ratures. Souvenez-vous qu’alors une lettre était quelque chose de bien plus important qu’aujourd’hui. Les courriers étaient dix fois, trente fois, cent fois plus rares. Ajoutez que c’était le destinataire qui payait le port, quelquefois assez élevé (20 sols, 30 sols). On voulait lui en donner pour son argent. On ne pouvait guère lui écrire des billets de trois lignes. Puis, comme il n’y avait guère de journaux, — si ce n’est, à Paris, la Gazette de France (le Mercure ne date que de 1672), et, dans les villes de province, des petites feuilles d’annonces hebdomadaires, — la correspondance privée remplaçait les journaux. À cause de cela, on faisait plus de cas des lettres, et de celles qu’on écrivait, et de celles qu’on recevait, et qu’on montrait volontiers à ses amis et connaissances.

Les lettres juvéniles de Racine sont élégantes, spirituelles, du tour le plus gracieux et (il faut le noter) d’une langue absolument pure. J’entends par là qu’elles excluent même certaines façons de s’exprimer[1] qui passaient dès lors pour vieillies mais que continuaient d’employer les vieillards et même les hommes mûrs. Comparez, pour voir, la

  1. Exceptons la forme « treuver » que Racine continue d’employer à cette époque.