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beautés non pareilles, d’or du Tage et de trésors de l’Inde. Mais l’idée est assez gracieuse de faire souhaiter la bienvenue à la nouvelle reine de France par la Nymphe de la Seine. (Si Hérédia avait trouvé cela pour la tsarine, on l’eût jugé fort bien.) Et puis, s’il y a encore des images banales, il n’y a plus de mauvaises pointes. Le goût de Racine s’est fort épuré en quatre ans, depuis les sept Odes enfantines. Et surtout l’harmonie des vers, et la pureté, la fluidité de la diction, sont déjà bien remarquables. Cette Nymphe de la Seine, svelte, longue et souple, fait vraiment un peu penser aux nymphes de Jean Goujon.

Voilà Racine lancé. Nous voyons que, dès septembre 1660, n’ayant pas encore vingt et un ans, il avait écrit une tragédie d’Amasis, dont nous ignorons le sujet ; qu’il l’avait lue à mademoiselle Roste, du Marais ; que mademoiselle Roste l’avait aimée, et aussi le comédien La Roque ; mais qu’ensuite La Roque s’était ravisé :

Je ne sais pas, écrit Racine, à quel dessein La Roque montre ce changement… J’ai bien peur que les comédiens n’aiment à présent que le galimatias, pourvu qu’il vienne d’un grand auteur.

Racine avait d’abord écrit : « du grand auteur » . Il voulait évidemment désigner Corneille. Nous sommes en 1660 ; la dernière pièce de Corneille est Œdipe, où, en effet, le galimatias ne manque point. Il est intéressant de voir Racine se détacher et se