Page:Lemaître - Jean Racine, 1908.djvu/328

Cette page n’a pas encore été corrigée

vertu des détails familiers et actuels. En revanche, nous aurons peut-être quelque peine à les relire, justement à cause de ces détails éphémères, et qui vieillissent vite, ou encore à cause du trop d’esprit qu’on y a mis… Mais la tragédie de Racine, si proche à la fois et si lointaine, ne nous lasse plus. Rien d’inutile ; point de bavardage ; le fond de l’âme des personnages, ce qu’ils ne sauraient vraisemblablement confier à un autre, s’exprime par des monologues substantiels. On ne s’arrête point aux minuties. Les entrées et les sorties sont très brièvement justifiées, et seulement quand il le faut. Je ne sais pas si l’on pleure à voir jouer la pièce ou à la lire. Mais l’esprit s’y occupe et s’y délecte de diverses manières. Vous transposez la fable, si vous le voulez ; vous la modernisez, vous l’imaginez se déroulant chez nous. Ou bien, par un amusement inverse, vous remontez jusqu’à ses origines, vous cherchez à reconnaître dans le drame les apports des civilisations successives, et vous avez la joie de planer sur les âges, à la façon d’un dieu.


Et troisièmement ce théâtre est poétique par la langue, le style, les vers. Car c’est la langue la plus pure qu’on ait parlée, où rien n’a vieilli, sauf une douzaine de mots du vocabulaire amoureux ( « feux, flammes, chaînes, bontés… » ). C’est la syntaxe le plus aisée, très libre encore, où d’Olivet et les grammairiens puristes du XVIIIe siècle ont