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déchaînés sous la plus fine culture intellectuelle et même morale.)

Une autre conséquence de ce système dramatique, le plus capable de rendre les démarches de l’instinct et de la passion dans leur mouvement accéléré ; c’est que, les femmes passant pour être en général plus serves de l’instinct et de la passion que les hommes, « le théâtre de Racine sera féminin, comme celui de Corneille était viril » (Lanson). « Les femmes sont poussées au premier plan. De Racine date l’empire », qui dure encore aujourd’hui, « de la femme dans la littérature » (Lanson). Et quand nous pensons à ce théâtre, ce qui en effet nous apparaît tout de suite, ce sont ses femmes : les disciplinées, les pudiques, qui n’en sentent pas moins profondément pour cela : Andromaque, Junie, Bérénice, Atalide, Monime, Iphigénie, — et les effrénées surtout : les effrénées d’ambition : Agrippine ; Athalie ; et plus encore les effrénées d’amour : Hermione, Roxane, Ériphile, Phèdre ; belles que l’amour pousse irrésistiblement au meurtre et au suicide, à travers un flux et un reflux de pensées contraires, par des alternatives d’espoir ; de crainte, de colère, de jalousie, parmi des raffinements douloureux de sensibilité, des ironies, des clairvoyances soudaines, puis des abandons désespérés à la passion fatale, une incapacité pour leur « triste cœur » de « recueillir le fruit » des crimes dont elles sentent la honte, — tout cela exprimé dans une langue qui est comme créatrice