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Ainsi, l’auteur de Bajazet et de Phèdre, l’écrivain le plus sensible du XVIIe siècle, le plus savant peintre des plus démentes passions, revenu des amours terrestres et continuant toujours d’aimer, mais d’autre façon, après avoir payé sa dette à Dieu en lui donnant quatre vierges, faible et grand jusqu’au bout, mourut peut-être d’un chagrin de courtisan, mais d’un chagrin qu’il s’attira pour avoir eu trop indiscrètement pitié des pauvres ou pour avoir été trop fidèle à des persécutés. Vie exquise que celle où l’amour et tous les amours s’achèvent en charité.

« L’amour, dit l’Imitation, aspire à s’élever… Rien n’est plus doux ni plus fort que l’amour… Il n’est rien de meilleur au ciel et sur la terre, parce que l’amour est né de Dieu et qu’il ne peut se reposer qu’en Dieu, au-dessus de toutes les créatures. » Et c’est là toute l’histoire de l’âme, longtemps inquiète, lentement pacifiée, de Jean Racine.

Au cimetière idéal des grands poètes, je placerais sur son tombeau une figure de femme pleurante, et qui représenterait, à volonté, sa Muse tragique, ou son âme elle-même. Elle serait chaste et drapée à petits plis. Et, sur la pierre funèbre, je graverais en beaux caractères le mot de madame de Maintenon : « Racine, qui veut pleurer, viendra à la profession de sœur Lalie » ; le mot, un peu risqué, de la joviale Sévigné : « Il aime Dieu comme il aimait ses maîtresses » ; le mot de Racine lui-même, recueilli par La Fontaine :