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qui lui ôtait le sommeil, il avait voulu que Racine couchât dans sa chambre.

Racine avait (nous l’avons déjà vu) une conversation charmante, et était en outre un lecteur étonnant et un commentateur enflammé de ses lectures. Il avait facilement la parole ardente et passionnée. Louis Racine nous dit :

À la prière qu’il faisait tous les soirs au milieu de ses enfants et de ses domestiques quand il était à Paris, il ajoutait la lecture de l’Évangile du jour, que souvent il expliquait lui-même par une courte exhortation… prononcée avec cette âme qu’il donnait à tout ce qu’il disait.

Un jour, étant chez Boileau avec Valincour, Nicole et quelques autres amis, il prend un Sophocle grec et lit la tragédie d’Œdipe, en la traduisant sur-le-champ :

Il s’émut à tel point (dit Valincour) que tous les auditeurs éprouvaient les sentiments de terreur et de pitié dont cette pièce est pleine. J’ai vu nos meilleures pièces représentées par nos meilleurs acteurs : rien n’a jamais approché du trouble où me jeta ce récit ; et, au moment que j’écris, je m’imagine voir encore Racine le livre à la main et nous tous consternés autour de lui.

Jugez des fêtes secrètes qu’il pouvait ainsi donner au roi !

Des relations de cette sorte, et pendant trente ans, doivent amener une espèce de familiarité et d’intimité, même entre un roi et un bourgeois. Racine était vraiment fondé à croire que le roi