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et au moins trois fois, cela prouve qu’il était déjà très fort en grec, et qu’il avait une grande fraîcheur de sensibilité et d’imagination.

L’Histoire éthiopique traitant des loyales et pudiques amours de Théagène Thessalien et Chariclée Éthiopienne, écrite entre le IIe et le Ve siècle par un Héliodore qui aurait été évêque de Tricca en Thessalie, raconte en dix livres, très lentement, les aventures de la princesse Chariclée, qui fut exposée par sa mère, qui rencontra à Delphes le beau Théagène, qui fut longtemps séparée de lui et qui, après mille vicissitudes, telles que naufrages et enlèvements, et méprises et malentendus de toutes sortes, finit par le retrouver et par l’épouser, la noble naissance de Chariclée ayant été reconnue au moment où on allait la mettre à mort avec son amant. La forme du livre, c’est, si vous voulez, celle des parties un peu ennuyeuses de Daphnis et Chloé. Elle nous paraît assez insipide, encore qu’extrêmement fleurie. Mais il y est question d’amour ; Racine avait seize ans ; et il créait lui-même l’enchantement de cette histoire.

Et, somme toute, je comprends que le bon sacristain Lancelot ait cru devoir, par deux fois, lui confisquer son exemplaire. Car enfin, dès les premières pages du roman, l’écolier de seize ans y pouvait lire (en grec) cette description d’une belle personne dont l’ami vient d’être à moitié égorgé par des pirates :