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écrivait douze ou quinze mille vers, traduits soit dû latin liturgique, soit du latin de l’Imitation de Jésus-Christ. Tous deux, Corneille puis Racine, diversement, mais douloureusement désabusés, vieillirent dans une tristesse intérieure, d’où la poésie lyrique personnelle eût pu jaillir, qui sait ? cent cinquante ans avant les romantiques. Mais, étant pieux et même dévots, l’expression des sentiments qui les agitaient, et surtout de ceux qu’ils voulaient avoir, leur semblait toute trouvée d’avance : et c’est pourquoi ils traduisent des hymnes et des psaumes.

Ce qu’était Racine dans ses dernières années, Saint-Simon, témoin difficile, clairvoyant, et d’autant moins suspect qu’il détestait madame de Maintenon dont Racine était l’ami, — Saint-Simon nous le dira :

Personne n’avait plus de fond d’esprit, ni plus agréablement tourné ; rien du poète dans son commerce ; tout de l’honnête homme, de l’homme modeste, et sur la fin, de l’homme de bien.

« Tout de l’honnête homme », ceci est à rapprocher des propos que Louis Racine rapporte au commencement de ses Mémoires :

Ne croyez pas, disait Racine à son fils aîné, que ce soient mes pièces qui m’attirent les caresses des grands. Corneille fait des vers cent fois plus beaux que les miens, et cependant personne ne le regarde ; on ne l’aime que dans la bouche de ses acteurs : au lieu que, sans fatiguer les gens du monde du récit de mes ouvrages,