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et vertueux, et d’une vertu charmante, son excessive sensibilité s’étant épurée par les épreuves et le repentir.

Sa correspondance avec Boileau et son fils Jean-Baptiste est délicieuse de candeur, de bonhomie— et de sincérité (sauf quelques pages faites évidemment pour être montrées). C’est la plus parfaitement simple et familière des correspondances illustres. L’excellent Boileau, dans ses lettres, cherche quelquefois l’esprit. Racine, jamais. Cette correspondance est « unique » .

( « Unique », j’ai déjà appliqué cette épithète à plus d’un ouvrage de Racine : je ne crois pas l’avoir fait jamais par complaisance et sans raison. Car il est bien vrai que les Lettres contre Port-Royal sont uniques, que les Plaideurs sont uniques, et presque toutes ses tragédies profanes, et Esther et Athalie. Et cela veut dire qu’il n’y a pas chez Racine de redites fatigantes et d’imitations de soi-même, comme chez Corneille. Il avait une délicatesse un peu dédaigneuse et inquiète, qui ne lui permettait pas de faire plusieurs fois la même chose, de se répéter commodément.)

Racine et Boileau se sont solidement aimés. Pourtant, après plus de trente ans d’intimité et quand ils étaient continuellement l’un chez l’autre et que Boileau traitait les enfants de Racine comme il eût traité ses propres enfants, ils continuaient à se dire « vous » et à s’appeler « mon cher monsieur » . Mais quelle tendresse sous cette forme prudente et