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On connaît l’anecdote racontée par Louis Racine dans ses Mémoires : anecdote que Louis tenait de son frère aîné Jean-Baptiste, lequel ne pouvait la tenir que de son père ou de quelqu’un de Port-Royal :

Son plus grand plaisir était de s’aller enfoncer dans les bois de l’abbaye avec Sophocle et Euripide qu’il savait presque par cœur. Il avait une mémoire surprenante. Il trouva par hasard le roman grec des amours de Théagène et de Chariclée. Il le dévorait, lorsque le sacristain Claude Lancelot, qui le surprit dans cette lecture, lui arracha le livre et le jeta au feu. Il trouva moyen d’en avoir un autre exemplaire, qui eut le même sort, ce qui l’engagea à en acheter un troisième, et, pour n’en plus craindre la proscription, il l’apprit par cœur et le porta au sacristain en lui disant : « Vous pouvez brûler encore celui-ci comme les autres. »

Comment Racine avait-il pu se procurer jusqu’à deux exemplaires du roman d’Héliodore, — texte grec, comme semble l’indiquer la phrase de Louis Racine ? Sans doute par son cousin Antoine Vitart, qui était alors à Paris, au collège d’Harcourt. Maintenant, que le petit Racine ait appris Théagène et Chariclée « par cœur », c’est probablement une façon de parler, car le roman a plus de six cents pages.

Je l’ai parcouru, moi, dans la traduction d’Amyot, et une seule fois, et en passant beaucoup de pages. Que Racine à seize ans l’ait lu, lui, dans le texte,