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dire en faisant « une espèce de poème où le chant fût mêlé avec le récit » ), j’exécutais en quelque sorte un dessein qui m’avait souvent passé par l’esprit, qui était de lier, comme dans les anciennes tragédies grecques, le chœur et le chant avec l’action, et d’employer à chanter les louanges du vrai Dieu cette partie du chœur que les païens employaient à chanter les louanges de leurs fausses divinités.

Ce dessein, alors entrevu, de faire « comme dans les anciennes tragédies grecques », il le réalise pleinement dans Athalie, qui, si nous avions les yeux frais, nous paraîtrait l’œuvre la plus étonnante de notre théâtre : car elle ne rappelle pas seulement, par l’introduction du chœur, les grandes œuvres d’Eschyle ou de Sophocle : elle les égale sans leur ressembler, par la largeur de l’exécution et par la nature et la grandeur de l’intérêt.

Je ne vous répéterai pas ce que vous savez. Je vous renvoie particulièrement à ce que dit Sainte-Beuve d’Athalie dans son Port-Royal, et à une très belle étude de Faguet dans son XVIIe siècle.

Tout dans Athalie était nouveau : la participation du chœur à l’action, participation plus étroite que dans la plupart des tragédies grecques ; la beauté des « chœurs » eux-mêmes, qui valent moins par l’expression que par le mouvement lyrique ; l’action continue (car Athalie n’a pas d’entr’actes) ; la magnificence extérieure du spectacle ; la marche impétueuse du drame ; le rôle de l’enfant Joas, la terreur religieuse, et ce que