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voiles neigeux et ceinte des rubans bleus d’une élève de « catéchisme de persévérance », et qui est finalement comme un conte des Mille et une nuits suave et pieux !

Ce fut un succès fou. Le roi ne s’en rassasiait pas. Cette grâce, cette douceur, cette piété, ces chœurs, cette musique, ces petites filles… Il y trouvait sans doute une volupté innocente, un chatouillement sans péché. Oh ! madame de Maintenon savait bien comment il fallait l’amuser !

Esther fut jouée six fois de suite à Saint-Cyr, au second étage du grand escalier des demoiselles, dans le spacieux vestibule des dortoirs. Deux amphithéâtres adossés au mur, le plus petit pour les dames de Saint-Cyr, le plus grand pour les pensionnaires ; aux gradins d’en haut, la classe rouge, celles qui avaient moins de onze ans ; au-dessous, les vertes (moins de quatorze ans) ; puis les jaunes (moins de dix-sept ans) ; enfin, sur les gradins d’en bas, les plus grandes, les bleues. Entre les deux amphithéâtres étaient les sièges pour les spectateurs du dehors. La salle était magnifiquement éclairée ; les décors peints par Borin, décorateur des spectacles de la cour ; les chœurs accompagnés par les musiciens du roi. Les habits des actrices avaient coûté plus de quatorze mille livres : c’étaient des robes à la persane, ornées de pierres précieuses, qui avaient autrefois servi au roi dans ses ballets. Les plus grands seigneurs, les ministres se disputaient les invitations : c’était une façon de faire sa