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pende les dix fils d’Aman. Puis elle obtient du roi des lettres qui donnent aux Juifs la permission de massacrer leurs ennemis y compris les femmes et les petits enfants, et de piller leurs biens. Et ces lettres sont portées dans les villes par des courriers montés sur des chevaux et des mulets. À Suze les Juifs tuèrent cinq cents hommes. Esther demande un nouveau massacre. Et les Juifs tuèrent encore dans Suze trois cents hommes. « Mais ils ne mirent pas la main au pillage. » Et dans les provinces « les Juifs tuèrent soixante-quinze mille de ceux qui leur étaient hostiles. Mais ils ne mirent pas la main au pillage » . (Le saint rédacteur, qui a l’âme délicate, tient beaucoup à ce détail.) « Et Mardochée fut le premier après le roi… Et il n’y avait pour les Juifs que bonheur, allégresse, gloire. Et beaucoup de gens du pays se faisaient Juifs, car la crainte des Juifs les avait saisis. »

Voilà un récit d’une forte saveur et d’une belle férocité. Mais, dans la tragédie de Racine, Esther est une colombe gémissante ; elle se contente de dire à Aman :

Misérable, le Dieu vengeur de l’innocence, Tout prêt à te juger, tient déjà la balance. Bientôt son juste arrêt te sera prononcé. Tremble ; son jour approche, et ton règne est passé.

Et tous les massacres du récit biblique sont pudiquement résumés dans ce vers d’Assuérus qui passe inaperçu :

Je leur livre le sang de tous leurs ennemis.