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trop mal joué Cinna et trop bien Andromaque. Madame de Maintenon pria donc Racine « de lui faire, dans ses moments de loisir, quelque espèce de poème moral ou historique dont l’amour fût entièrement banni, et dans lequel il ne crût pas que sa réputation fût intéressée puisqu’il demeurerait enseveli dans Saint-Cyr ; ajoutant qu’il ne lui importait pas que cet ouvrage fût contre les règles, pourvu qu’il contribuât aux vues qu’elle avait de divertir les demoiselles de Saint-Cyr en les instruisant » .

Racine ne put résister longtemps au plaisir d’écrire pour des jeunes filles. Il était naturel qu’il cherchât dans la Bible, et presque inévitable qu’il choisît Esther. Car quel autre sujet eût fait l’affaire ? Lia ou Rachel, Déborah, Judith, Bethsabée, Suzanne, même Ruth et son mariage avec un vieillard, toutes ces histoires n’eussent guère convenu à des demoiselles. Esther, la jeune reine qui sauve son peuple, à la bonne heure !

Et pourtant !

Relisez le livre d’Esther.

C’est un conte, un conte voluptueux et sanglant, et un poème de fanatisme juif.— Le roi Assuérus, qui règne sur cent vingt-sept provinces, donne à tout le peuple de Suze un festin qui dure sept jours… Le septième jour, étant ivre, il commande à ses sept eunuques d’amener la reine Vasthi, pour montrer sa beauté aux peuples et aux grands. Vasthi refuse, il la chasse… Alors ceux qui servaient le roi dirent :