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hypothèse, Racine aurait-il conseillé— ou seulement toléré— ces manœuvres ? Ou ne les aurait-il connues que plus tard ? Cela est le plus probable, puisqu’il écarte les avorteuses du lit de la mourante, ce qui eût été singulièrement imprudent s’il avait été leur complice.

Ce qui est sûr, c’est qu’une lettre, écrite le 11 janvier 1680 par Louvois au conseiller d’État Bazin de Bezons, se termine ainsi : « Les ordres du roi pour l’arrêt du sieur Racine vous seront envoyés aussitôt que vous les demanderez. » Il est difficile d’en douter qu’il soit ici question du poète.

Il n’y eut pas d’arrestation : Racine avait sans doute pu se justifier auprès du roi et de Louvois.

Mais quel frisson de petite mort dut le parcourir ce jour-là ! Et quelles réflexions il dut faire ensuite ! Innocent, il pouvait l’être selon la morale du siècle. Mais cependant, s’il avait vécu selon la morale chrétienne, il n’aurait pas été l’amant de la Du Parc, et cette malheureuse n’aurait pas été obligée, par son fait, de recourir à la Voisin. Quel remords ! Et quelle nausée ! … Épouvantable, cette « Affaire des poisons », ces histoires d’empoisonnements, d’avortements, de proxénétisme, de breuvages érotiques et de sorcellerie blanche, mais aussi de messes noires avec égorgements d’enfants ; ces histoires où se trouvent compromises des centaines de personnes de tous les mondes, et particulièrement (et c’est pourquoi le roi dut arrêter les poursuites) de personnes