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et en pleine gloire— parce que Phèdre était décidément plus troublante qu’il ne l’avait pensé.

Car sans doute il entra là-dessus en réflexion. Le désir de la gloire et la vivacité des passions ne faisant plus obstacle à sa foi religieuse, il se ressouvint de la doctrine janséniste sur le théâtre ; de cette doctrine qui l’avait tant irrité onze ans auparavant et qui, aujourd’hui, ne lui paraissait que trop vraie.

Il avait dû être ému déjà par les Pensées de M. Pascal sur la religion et quelques autres sujets, publiées en 1670, et, notamment, par les réflexions sur les « divertissements » . Les éditeurs avaient écarté la fameuse page sur la comédie : mais la substance de cette page était éparse dans le Traité de Nicole, qu’elle ne fait que résumer :

Tous les grands divertissements sont dangereux pour la vie chrétienne ; mais, entre tous ceux que le monde a inventés, il n’y en a point qui soit plus à craindre que la comédie. C’est une représentation si naturelle et si délicate des passions, qu’elle les émeut et les fait naître dans notre cœur, et surtout celle de l’amour ; principalement lorsqu’on le représente fort chaste et fort honnête. Car plus il paraît innocent aux âmes innocentes, plus elles sont capables d’en être touchées ; sa violence plaît à notre amour-propre, qui forme aussitôt un désir de causer les mêmes effets que l’on voit si bien représentés ; et l’on se fait en même temps une conscience fondée sur l’honnêteté des sentiments qu’on y voit, qui ôte la crainte des âmes pures qui s’imaginent que ce n’est pas blesser la pureté, d’aimer d’un amour qui leur semble si sage.