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donnait un grand par semaine. Il mangeait toujours debout, dans un couloir, sans serviette et sur une planche. Sainte-Beuve dit qu’il y avait de l’oriental et du brahme dans M. Hamon. Cette impression me parait très juste. Je tiens de la munificence de M. Gazier un petit livre intitulé : Relation de plusieurs circonstances de la vie de M. Hamon, faite par lui-même, selon le modèle des Confessions de saint Augustin (124 pages, imprimées en 1734). Il y parle surtout du séjour qu’il fit seul, comme médecin, auprès des religieuses de Port-Royal-des-Champs, en 1665, après l’expulsion des « messieurs » . C’est très curieux. M. Hamon est humble, oui, il se rabaisse tant qu’il peut et conserve ses vêtements de pauvre qui le font moquer des gardes. Il dira :

J’aimais fort les sentences, ce qui est le caractère des moindres esprits.

Il dira :

J’étais plus lâche qu’une femme, et qu’une femme des plus lâches, car il y en a de courageuses.

Et cætera. Mais on sent avec lui quel secret délice est l’humilité. Car, dans le chrétien qui se ravale lui-même, il y a deux « moi » : le « moi » qui est humilié, et le « moi » qui humilie l’autre et le méprise et le maltraite ; et ce second moi, juge implacable du premier, peut parfaitement goûter un plaisir d’orgueil détourné et comme s’enivrer de son rôle d’ange flagellateur. Puis,