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de littérature pure, ne paraît avoir été plus détesté, plus attaqué, ni avec plus d’acharnement, que l’auteur de Phèdre et d’Athalie. Vous en trouverez le détail dans le bon vieux livre de M. Deltour : les Ennemis de Racine. Molière fut assurément honni et poursuivi par les dévots ou même par de bons chrétiens, par le clergé de Paris, les jansénistes, les protestants, les confrères du Saint-Sacrement, à l’occasion de l’École des femmes, de Don Juan et de Tartuffe : mais il s’agissait de religion et non plus de littérature. L’Académie avait critiqué le Cid, mais courtoisement ; d’ailleurs, le caractère solennel et officiel de cette critique la faisait honorable pour celui qui en était l’objet. On avait été assez malveillant pour Polyeucte. Mais ensuite, si Corneille avait eu des échecs, jamais il n’avait été critiqué violemment. Il était passé tabou. Corneille n’excita jamais de haine.

Racine était sans doute de ceux qu’on aime ou qu’on exècre. Il excitait l’envie bien plus naturellement que Corneille. Racine était beau, élégant, brillant, causeur charmant et adroit, très répandu, homme du monde et homme de cour ; d’ailleurs d’esprit mordant et qui rendait les coups. À cause de tout cela, il y avait beaucoup de gens qui ne pouvaient pas le souffrir. Le vieux Corneille était timide, gauche, terne, maussade, et vivait à l’écart. Les gens qui haïssaient Racine se donnaient l’air et le mérite facile de protéger un vieil homme de génie sans défense, — mais qui, du reste, n’avait