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Le quatrième professeur de Racine fut M. Hamon, médecin de Port-Royal. Et même, à partir de mars 1656, les autres solitaires dispersés, Racine n’eut plus d’autre professeur que M. Hamon.

M. Hamon paraît avoir été le plus singulier, le plus pittoresque des messieurs de Port-Royal et aussi le plus poète. Après avoir été précepteur de M. de Harlai, — dont il refusa un petit « bénéfice », — il vendit et distribua aux pauvres son patrimoine et entra à Port-Royal en 1650. Il fut le médecin des religieuses. Il s’en allait visiter les pauvres des environs, monté sur un âne et un livre à la main. C’était un mystique au cœur tendre et à l’imagination fleurie. Il lisait en espagnol les ouvrages de sainte Thérèse, « de la grande sainte Thérèse qui fut tellement blessée de la charité de l’Époux que son cœur fut transpercé d’un glaive de joie et de douleur » .

Ainsi s’exprime-t-il. Il écrivit des petits traités de piété pour les religieuses et quatre volumes de très subtils commentaires sur le Cantique des cantiques. « Il avait, dit Sainte-Beuve, le don de la spiritualité morale, le sens des emblèmes, » et il marchait dans le monde « comme dans une forêt enchantée, où chaque objet qu’on rencontre en recèle un autre plus vrai et cache une merveille » . Il pensait que l’univers visible n’est qu’un système de symboles et qu’il n’y a de vrai que ce qu’on ne voie pas. Il ne mangeait que du pain de chien (fait de son et d’un peu de farine). On lui en