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d’une princesse du XVIIe siècle et en parle, naturellement, la langue nuancée. Mieux encore on imagine très bien qu’une jeune dame pieuse d’aujourd’hui, tentée de la même façon que Phèdre, éprouverait les mêmes sentiments, aurait les mêmes troubles, les mêmes appels à Dieu. Si Julia de Trécœur était meilleure chrétienne, et de plus de tenue, elle ne ressemblerait pas mal à Phèdre.

Si vraie avec cela ! Tout est indiqué, même les effets physiologiques :

Je sentis tout mon corps et transir et brûler… Que ces vains ornements, que ces voiles me pèsent !

même les choses les plus difficiles à exprimer ; même ce que Phèdre sent, dans les bras du père, en songeant au fils :

Mes yeux le retrouvaient dans les traits de son père ;

même cette manie qu’ont les femmes, mères d’enfants déjà grands, de faire des amalgames de leur amour maternel avec la passion coupable, soit pour la purifier, soit pour la justifier et l’élargir. Vous savez ce qu’elles disent : « Nous élèverons mon fils ensemble. Je me figurerai que vous êtes son père. » Ainsi Phèdre :

Il instruira mon fils dans l’art de commander ; Peut-être il voudra bien lui tenir lieu de père ; Je mets sous son pouvoir et le fils et la mère.

Tout le roman de la femme de trente ans et par delà est dans cette tragédie.