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Victime d’une fatalité qu’elle porte dans son corps ardent et dans le sang de ses veines, pas un instant sa volonté ne consent au crime. Le poète s’est appliqué à accumuler en sa faveur les circonstances atténuantes. Elle ne laisse deviner sa passion à Hippolyte que lorsque la nouvelle de la mort de Thésée a ôté à cet amour son caractère criminel, et cet aveu lui échappe dans un accès de délire halluciné. Plus tard, c’est la nourrice qui accuse Hippolyte : Phèdre la laisse faire, mais elle n’a plus sa tête et ne respire plus qu’à peine. Pourtant elle allait se dénoncer, lorsqu’elle apprend qu’elle avait une rivale ; et sa raison part de nouveau. Enfin elle se punit en buvant du poison et vient, avant de mourir, se confesser publiquement ; et le mot sur lequel son dernier soupir s’exhale est celui de « pureté » .

Pâle et languissante, n’ayant dormi ni mangé depuis trois jours, jalousement enfermée dans ses voiles de neige, pareille à quelque religieuse consumée au fond de son cloître d’une incurable et mystérieuse passion… on la plaint, on l’aime, on l’absout. Boileau, qui était un cœur droit et un ferme esprit, parle de la « douleur vertueuse » de Phèdre et la déclare « perfide et incestueuse malgré soi » . Et pour Arnauld, le rôle de Phèdre était un exemple excellent de l’impuissance où nous sommes de résister à certaines tentations par nos seules forces et sans le secours de la grâce.— Phèdre a, du reste, toute la sensibilité morale