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langage ou les façons me gâte cette magnifique Iphigénie. »

Oh ! que j’avais tort ! Les Grecs de la lointaine légende croyaient que le sang d’une jeune fille peut apaiser les dieux ; mais quoi ! cette idée de la vertu expiatrice du sang était-elle donc étrangère aux chrétiens du XVIIe siècle ? Ignoraient-ils l’histoire du sacrifice d’Abraham ? et, dans le présent, madame de Montespan ne croyait-elle pas que le sang d’un enfant égorgé par un mauvais prêtre pouvait lui assurer l’amour du roi et la délivrer de madame de Fontanges ? et madame de Montespan n’était-elle pas une personne intelligente, spirituelle, de façons raffinées et d’un très beau langage ? Ou, si madame de Montespan a été calomniée, assurément quelque autre dame du temps a connu cet état d’esprit. Ni la superstition ni le crime n’ont rien d’incompatible avec la perfection des manières, la politesse du discours, la délicatesse de la sensibilité, et la finesse même de l’observation psychologique : voilà la vérité très simple qui absout quand il y a lieu, dans le théâtre de Racine, l’union— d’ailleurs savoureuse— de l’horreur du fond et de l’élégance de la forme.

Et enfin, si vous réduisez le sacrifice de la fille d’Agamemnon à ce qu’il est essentiellement : un meurtre politique, et dans un intérêt dynastique et national, vous comprendrez qu’Iphigénie— cette pièce où il n’y a que des rois et des reines et où chaque personnage doit opter entre un sentiment